La bibliothèque de l’Heure Joyeuse de Versailles

Le délicieusement rétro ex-livris des collections patrimoniales de L'Heure Joyeuse
Le délicieusement rétro ex-livris des collections patrimoniales de L’Heure Joyeuse

Les Macareux et la littérature jeunesse c’est toute une histoire. Serait-ce une certaine nostalgie de l’enfance ? Un goût pour les illustrations ? Et quand il s’agit de choisir des bibliothèques à visiter, ils ont une fâcheuse tendance à être fatalement attirés par les bibliothèques jeunesse.  Mais nous ne sommes pas là pour disserter sur le syndrome de Peter Pan des bibliothécaires, revenons donc à nos moutons.

Connaissez-vous l’Heure Joyeuse ? Remontons le temps un instant.

“Enfants, l’Amérique s’unit à la France pour vous offrir les nuits d’Arabie, les vieilles chansons de France, l’Antiquité, la Chine, le Moyen-Âge et ses tournois, la jungle hindoue, les forêts de l’Afrique […], le ciel où il y a les anges, les étoiles, les aéroplanes, toute la mécanique avec le mécano et les joujoux des grands, l’antenne avec laquelle on entend sans voir, le film avec lequel on voit sans entendre, la voiture aux chevaux imaginaires.”

La bibliothèque de l'Heure Joyeuse de Versailles
La bibliothèque de l’Heure Joyeuse de Versailles

Ce vibrant discours est prononcé par l’écrivain et bibliothécaire Eugène Morel en 1924, à l’inauguration de L’Heure Joyeuse de Paris, rue Boutebrie. C’est la seconde bibliothèque spécialisée pour la jeunesse de Paris, après celle du CARD à Belleville (qui fera l’objet d’un article prochainement d’ailleurs — quand on vous dit qu’on est passionnés par le sujet), offerte à la ville par le Book Committee on Children’s Libraries, une association américaine.

La bibliothèque de L’Heure Joyeuse se veut moderne et il est vrai que les méthodes importées d’outre Atlantique détonnent à l’époque : accès direct aux rayonnages des usagers, adoption de la classification Dewey et mise à disposition du catalogue, sans compter des animations sur mesure pour les enfants et une vraie réflexion quant à leurs besoins et à leurs envies de lecture(s).

“Habituer les jeunes gens, les enfants, à considérer le livre comme inséparable de leur vie”, Paul Hazard

Forte de son succès, L’Heure Joyeuse fait des petits dans toute la France, et en Belgique. En 1935, Antoinette Kont, qui avait bénéficié d’une formation auprès de son homologue parisienne, Marguerite Gruny, crée L’Heure Joyeuse de Versailles. Sa fille, Gilberte Mantoux, reprend ensuite le flambeau, puis ce sera la municipalité en 1978.

Pour arriver à la bibliothèque, il faut grimper une côte. Elle occupe une jolie demeure de briques, ornée d’une élégante marquise et entourée d’un jardin.

En rentrant, j’ai un instant l’impression de revenir à l’école maternelle : une rangée de porte-manteaux à hauteur d’enfants me fait me sentir bien grande.

La multitude d’espaces nous surprend : il s’agit d’une ancienne demeure réaménagée en bibliothèque.

Au rez-de-chaussée, quelques beaux albums de François Place à l’honneur, des livres immenses qui tiennent à peine entre les mains, et plein, tout plein de contes du monde.

Ici comme partout, les Max et Lili sont pris d’assaut par les jeunes frimousses et on doit les limiter à deux par enfant.

Derrière la banque d’accueil, une petite exposition d’albums sur les indiens ; dans l’escalier, une autre sur le cirque ; sur le palier du premier étage, une grainothèque. Chaque petit recoin de la bibliothèque est prétexte à la découverte. Bien sûr, on y propose les animations pour bébés lecteurs et l’heure du conte. Pour les petits qui piquent du nez, des transats sont à leur disposition. Tout est pensé!

Le jeune lecteur est ici chez lui et il doit se sentir indépendant. L’ordinateur présentant le catalogue est à sa hauteur, et les collections proposées ne rechignent pas devant la difficulté apparente du sujet. On y parle de Verlaine, d’art moderne ou de techniques de cinéma.

Et pour que les parents ne soient pas en reste, un fonds de romans, poésie, essais et BD leur est dédié à l’étage. D’ailleurs on y retrouve quelques albums de François Place qui font écho à ceux trouvés au secteur jeunesse.

Nous bavardons un peu avec l’un des bibliothécaires sur cette bibliothèque si particulière et attachante. Nous finissons même par nous y inscrire… Bon à savoir, l’inscription est gratuite, même pour les non-versaillais.

Malle aux trésors

 

L’incroyable histoire de la malle aux trésors.

Cette malle, remplie de 139 livres américains pour la jeunesse et d’une vingtaine de lettres d’écoliers de Bridgeport (Connecticut), a été envoyée fin 1946 à la bibliothèque de l’Heure Joyeuse de Versailles, à la suite d’un mouvement de solidarité né outre-Atlantique après la seconde Guerre Mondiale.

La malle n’est arrivée qu’en 1948, grâce à l’organisme Our world united thro books Inc. Y sont inscrits les mots : “United through books” et “Books not bullets”. Des livres contre la guerre !

 

Ah ! Pour ceux qui seraient passionnés par la littérature jeunesse, nous vous conseillons vivement une visite des collections patrimoniales d’Heure Joyeuse de Paris, à la médiathèque Françoise Sagan (Métro gare de l’Est), qui sont une mine d’or. Notre article sur la médiathèque Sagan : ici.

 

Infos pratiques

3 Allée Pierre de Coubertin
78000 Versailles
0139020145
http://www.bibliotheques.versailles.fr
bibliotheque.heure-joyeuse@versailles.fr

Petite bibliographie pour ceux qui veulent aller plus loin

THE référence : Lectures d’enfances : L’Heure joyeuse de Versailles, Sous la direction d’Élisabeth Maisonnier, Magellan & Cie / Bibliothèques municipales de Versailles / Association versaillaise des amis de l’Heure joyeuse, 2012, 132 p., 23 cm

Viviane Ezratty et Hélène Valotteau, “La création de l’Heure joyeuse et la généralisation d’une belle utopie”, in BBF, 2012, n° 1. Consultable en ligne

Gallica, “L’Heure Joyeuse, l’aventure de la numérisation”, 2016.  Vidéo consultable en ligne

Paul Hazard, préface de Rossignol des neiges, Marie Calmont, Ed. Bourrelier, 1934

Mairie de Versailles, “Livres pour la jeunesse”. Consultable en ligne

Médiathèque Françoise Sagan, “Les collections patrimoniales de l’Heure Joyeuse rejoignent la médiathèque Françoise Sagan”, 2013. Consultable en ligne

 

2 commentaires Ajoutez le votre

  1. Guitton Marie dit :

    J’ai grandi à Versailles et quand j’ai commencé à lire seule, mes parents m’ont m’inscrite à l’Heure joyeuse, première expérience de l’autonomie puisque j’y allais seule. J’étais accueillie par Mme Mantoux qui m’impressionnait beaucoup et ses collègues. C’était entre 1972 et 1975… Je suis devenue bibliothecaire jeunesse en 1989 et le suis toujours !

    1. Macareuse dit :

      Oh mais c’est génial ça ! Comme quoi, les expériences de lecture durant notre enfance ont parfois un grand impact sur notre futur !! Puis-je vous demander dans quelle bibliothèque vous travaillez ?
      Merci beaucoup pour votre commentaire sur notre blog !

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