Bibliothécaires poilus : Marcel Godet

En cette quatrième année de commémoration de la Grande Guerre, j’avais comme projet de faire des recherches sur les bibliothécaires poilus. Une sorte de mémorial des collègues d’antan.

En réalité la tache n’a pas été aisée. Dans toute recherche, le mot bibliothécaire/bibliothèque génère un bruit documentaire terrible.  Mais pas à pas, en tâtonnant de ci de là j’ai fait des découvertes intéressantes que je souhaite partager sur notre blog. Il s’agira de plusieurs articles qui formeront un dossier. J’ai souhaité faire mes recherches uniquement avec les ressources que l’on trouve sur le web. Je trouve qu’il y a une certaine magie lorsqu’il s’agit de farfouiller dans le quasi infini numérique pour dénicher des vieux documents.

Pour commencer je vais vous conter l’histoire de Marcel Godet, mort à la guerre le 24 octobre 1914 d’une balle en plein cœur.

 

Le Marcel Godet qui nous intéresse est né en 1882 à Canchy.

Une des plus vieilles photographies que j’ai déniché est un cliché de la gare, le timbre date 1909 :

 Gare de Canchy. (1)
Gare de Canchy. (1)

Marcel Godet réussit brillamment ses études jusqu’à obtenir le diplôme de l’Ecole des chartes à l’âge de 28 ans après avoir obtenu une licence ès Lettres à la Sorbonne en 1903 et un diplôme de Droit en 1905. Il fait donc parti de la promotion 1910 de l’Ecole des chartes. Dans cette même promotion, nous trouvons quelques noms qui sont restés dans l’Histoire tels que Georges Huisman qui a contribué à la naissance du festival de Cannes en 1939 ou Geneviève Aclocque, première femme diplômée de l’Ecole des chartes. Nous imaginons donc fort bien l’émulation intellectuelle dans laquelle baigne Marcel Godet qui publie sa thèse sur la Congrégation de Montaigu. (2) Le collège de Montaigu accueillait des étudiants pauvres et la discipline y était fort sévère. Le principal de ce collège, Jean Standock, créé après un exil (fallait pas critiquer Louis  XII quand il répudia sa femme) une congrégation, celle de Montaigu. Cela n’a pas trait directement à notre bibliothécaire Monsieur Godet mais j’ai eu l’impression en écrivant ce billet que m’intéresser à son sujet de thèse me permettrait de mieux appréhender sa vie.

Nous voilà donc en présence d’un jeune homme brillant mais également sensible, il est aussi poète. Je n’ai malheureusement trouvé aucun poème de Godet disponible en ligne, seulement des titres : La Grande Pâture, Un Picard en Hollande, Le printemps sur la plaine picarde, La ville (paysage d’hiver). Des titres de poèmes qui laissent imaginer (ce n’est que suppositions) un homme sensible et réceptif à la nature, aux saisons et à sa région. La revue d’Histoire de l’Eglise de France (3) dont il était un des premiers abonnés caractérise son art d’écrire de : “quelques poésies en prose où il avait exprimé, dans ce langage simple et châtié qui lui était particulier, et aussi avec cette délicatesse de cœur et de sentiment qui faisait le charme de son commerce, tout l’amour qu’il ressentait pour son pays natal.”

Le catalogue de la BnF référence 19 écrits à son actif. La première entrée date de 1907 et a comme titre étonnant : “‘Pedis Admiranda’, ou les Merveilles du pied de Jean Dartis, remis en lumière avec la vie de l’auteur, une notice de Mercier de Saint-Léger, une description de quelques ouvrages, principalement anciens, concernant le pied et la chaussure”. La dernière entrée date de 1913, ensuite la guerre s’en mêle

Marcel Godet fut également bibliothécaire et c’est ce poste qu’il a occupé qui lui vaut cet hommage sur le Macareux, car en 1907 il occupa le poste de conservateur des musées et de la bibliothèque de la ville d’ Abbeville. Il écrit d’ailleurs à ce sujet un rapport en 1913 intitulé : “La Bibliothèque d’Abbeville. Ce qu’elle est, ce qu’elle pourrait être.” Titre qui m’a amusé, dès le début du siècle on s’interrogeait sur le présent et l’avenir des bibliothèques, rien de nouveau donc.

Carte postale du musée d'Abbeville, cachet de poste 1907
Carte postale du musée d’Abbeville, cachet de poste 1907

Côté famille, la revue d’Histoire de l’Église de France indique qu’il était “encouragé dans les travaux et les études historiques auxquels il se consacrait par l’affection de sa jeune compagne et de deux charmantes fillettes” (3).
L’avenir s’annonce radieux donc pour ce jeune archiviste bibliothécaire, mari et père, intellectuel érudit et poète, mais la guerre se profile. Les tensions montent en Europe, l’ordre de mobilisation générale est décrété le 1 Août 1914, il part en guerre le 2 du même mois.

Il prend part à la première bataille de la Marne qui repousse l’armée allemande en route vers Paris avec le 8ème régiment de chasseurs à pied dans lequel il occupe le grade de Lieutenant. Après cette bataille qui annonce déjà l’enfer qui se prépare le 8ème régiment de chasseurs à pied est engagé dans ce qu’on appellera : La course à la mer. Les deux camps entreprennent des manœuvres de contournement et se remontent progressivement vers le Nord. Fin octobre 1914, c’est en Belgique que Marcel Godet se retrouve embarqué avec son bataillon qui : “quitte cette ville [Nieuport] le 24, pour être mis en ligne du côté de Pervyse, où les Allemands ont réussi à traverser l’Yser sur trois points. L’attaque de la fameuse boucle de l’Yser a lieu aussitôt. Malgré des difficultés atmosphériques qui semblent insurmontables, malgré les mitrailleuses ennemies qui ne cessent de cracher, les chasseurs du 8e progressent” (4). Marcel Godet ne connaîtra pas la guerre d’un nouveau genre qui s’ensuivra : celle des tranchées. Il meurt durant cette bataille, trois mois après son départ. Trois mois  après avoir quitté sa famille, ses livres et ses curiosités intellectuelles, sa Picardie qu’il écrivait en poésie et qui sera tant blessée durant cette guerre.
On peut sans mal apercevoir la violence et l’horreur qui accablent ces soldats. Même poussés par une ferveur patriotique et l’espoir d’une victoire rapide que ceux d’en haut promettent, ces deux mois de guerre ont déjà fauché des destins.  En trois mois, la guerre a déjà emporté presque 300 000 vies…

En écrivant cet article j’ai été pris par une certaine émotion à laquelle je ne m’attendais pas. En creusant sur internet, les archives, Gallica, Persée… chaque nouvelle information me donnait l’impression de me rapprocher de ce destin. En recoupant des informations, en lisant le rapport du 8ème régiment de chasseurs à pied, un peu des écrits de Marcel Godet…

Si bien que je pense faire un tour à la BnF pour lire ces poésies qui reposent quelque part dans la mémoire des Hommes.

 monument au mort du cimetière de Neuilly
monument au mort du cimetière de Neuilly

Goethe se posait la question : “Qu’est ce que la poésie ?”, et répondait : “une pensée dans une image”, c’est pour pour toucher cette image, cette pensée que je ressens le besoin d’aller plus loin.  Je les recopierai et les partagerai ici.

Et parce qu’internet le permet, je conclurais par une photographie du monument au mort du cimetière de Neuilly, l’hôpital  dans lequel il repose pour un recueillement numérique.

 

1 – http://www.cfpa.asso.fr/images/Gares/gare1779-1.jpg
2 – http://www.persee.fr/doc/rnord_0035-2624_1912_num_3_1_5326_t1_0084_0000_2
3 – http://www.persee.fr/doc/rhef_0300-9505_1914_num_5_29_2134
4 – http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6235412n/f19.image.r=.langFR

 

 

Un commentaire Ajoutez le votre

  1. Joe dit :

    Quel bel hommage à ce poilu que de lui garder une place particulière dans notre mémoire et à tous les autres à travers lui.
    Merci Macareux

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